Jean Paul Ngoumou, Pdt du SATPC et Sg de l’APPEC: « Le PAD a failli en sous estimant notre capacité et notre engagement d’une part, l’appareil judiciaire de l’autre. »
8 min readJean Paul Ngoumou, Président national du Syndicat Autonome des Travailleurs Portuaires du Cameroun (SATPC) et Secrétaire général de l’Alliance Plus pour l’Emergence du Cameroun (APPEC), a bien voulu nous en dire plus sur les ressorts du procès qui a opposé son syndicat au PAD et qui vient de connaître une fin plutôt victorieuse et surprenante.
Monsieur le Président du Syndicat Autonome des Travailleurs Portuaires du Cameroun (SATPC), commençons par cette première qualité, parce que c’est celle-là qui fait l’actualité. Votre syndicat vient de remporter une grande victoire, à la Chambre de conciliation du Tribunal de Grande instance du Wouri, dans une affaire qui vous opposait au PAD, depuis près d’une vingtaine d’années. Qu’en est-il concrètement ?
Pour mémoire, dans le cadre de la convention de concession du terminal à conteneurs de Douala du 26 juin 2004, 6% du capital de la société à créer (DIT) avaient été spécialement dédiés au personnel du Port Autonome de Douala.
Dès cet instant, le PAD va se comporter en actionnaire qu’il ne pouvait être et surtout entraver toute participation du personnel au conseil d’administration de DIT. Le personnel va fortement se mobiliser derrière les syndicats et revendiquer son droit, ce qui conduira entre autres à la grève d’octobre 2011.
Face au refus constant des managers successifs de faire droit à la demande du personnel, le SATPC s’est obligé à saisir l’inspection du travail qui finira par transmettre le dossier en conseil d’arbitrage, le PAD s’étant opposé à toute conciliation. C’est ainsi qu’après plus de cinq années de procédure, le conseil d’arbitrage établira la légitimité de nos droits. C’est l’occasion pour nous de saluer le professionnalisme et l’intégrité du personnel judiciaire en ces temps où l’impartialité de la justice est constamment remise en cause.
Malgré les impressionnants moyens du PAD, vous y êtes quand même parvenu, vous avez eu gain de cause : comment vous vous y êtes pris ?
L’image à retenir, David contre Goliath. D’un côté un mastodonte finançant ses conseils sans compter, de l’autre un regroupement d’individus qui peinent à boucler les mois mais misant sur sa détermination, son audace et l’encadrement avisé de Me KITIO, son conseil envers qui sont dirigées affection et reconnaissance.
« Le PAD a été condamné par la Cour d’Appel du Littoral, siégeant en conseil d’arbitrage en premier et dernier ressort, à reverser au SATPC pour le compte du personnel FCFA 9 171 566 641 »
Près de vingt ans, c’est beaucoup ! Les ressources, toutes les ressources dont vous avez eu besoin jusqu’à cette conclusion heureuse, d’où les tenez-vous ? Allez, dévoilez-nous votre secret ?
Nous avions à notre disposition, les cotisations mensuelles de nos membres bien qu’en nette diminution depuis déjà plusieurs années. Nous avons également bénéficié de la disponibilité de certains de nos membres, du personnel en général et l’accompagnement de la mutuelle Coopad. Mais aussi la maîtrise de l’enjeu et surtout la foi, celle qui vous permet de renverser des montagnes, qui galvanise et vous pousse toujours vers l’avant parce que vous n’êtes qu’à la quête de justice, du bien être des autres sans compromissions.
Dans cette procédure, est-il possible de considérer que le Pad a pêché quelque part ou pour être précis, que ses conseils ont manqué de pertinence ouvrant ainsi la voie au succès du syndicat ?
Oui, le PAD a failli en sous estimant notre capacité et notre engagement d’une part, l’appareil judiciaire de l’autre. Avec le refus de la tentative de conciliation à l’inspection du travail, le rejet de la main tendue lors de l’audience à nous accordée le 6 janvier dernier, la demande d’audience sans suite du 10 juin 2024 après la sentence arbitrale, la notification de la copie de la grosse le 2 juillet laissant entrouverte une fenêtre pour la négociation aussitôt fermée, le PAD a fait le choix du reversement intégral des neuf milliards.
Il a également failli quant au suivi juridique de cette affaire, le cabinet conseil du PAD s’illustrant plus par son appétit financier que la pertinence de son argumentaire et son incapacité à lire et développer une analyse et une interprétation cohérentes des textes. Ce sera notamment le cas après la notification de la sentence arbitrale par l’inspecteur de travail, faisant courir le délai d’opposition à l’exécution de la sentence. Conseils et services du PAD laisseront filer ce délai démontrant à l’occasion approximations et errements inadmissibles à ce niveau.
« C’est l’occasion pour nous de saluer le professionnalisme et l’intégrité du personnel judiciaire en ces temps où l’impartialité de la justice est constamment remise en cause. »
Comment vous-même et vos membres vivez cette sacrée victoire ?
Pour notre part, rien de particulier. L’issue de cette procédure était connue d’avance, les faits ne prêtant à aucune équivoque. Ce n’est pas une caricature de dire que le personnel est à l’image de ce qui se passe dans notre pays. On préfère tricher que se battre pour les causes justes, on préfère de l’argent volé à de l’argent propre. Nous avons été combattus, abandonné, vilipendé par la plupart des bénéficiaires qui malgré cette grande victoire demeurent dans l’ombre, incapables de reconnaitre le mérite que nous avons eu en engageant cette bataille.
Trois syndicats sont représentés au PAD, non seulement les deux autres ont été absents tout au long de cette procédure mais en plus, leurs responsables et membres sont incapables d’un geste de reconnaissance pour cette victoire du SATPC certes, mais du personnel en général. Ceux qui bénéficient de largesses et avantages en entreprise s’érigent bien évidemment en adversaires de leurs propres intérêts. C’est incompréhensible !
Désormais, vous entamez un nouveau combat, probablement plus difficile encore, celui du recouvrement des sommes dues. Y songez-vous déjà ?
Le PAD est soumis à l’OHADA et ne bénéficie pas d’immunité d’exécution. Pour la petite histoire, après notification de la copie de la grosse le 2 juillet dernier, le greffe de la Cour d’Appel a été séquestré par certains membres de son équipe de conseils juridiques. Cette réaction traduit la peur d’un éventuel commandement qui s’est emparée des uns et des autres. Nous n’en sommes pas encore là. C’est un dossier extrêmement sensible pour le management du PAD à la fois sur le plan économique, social et politique. Il devrait anticiper et tout faire pour que cet argent soit reversé au personnel.
Vous arrive-t-il d’imaginer le PAD faire profil bas, jouer au beau perdant et payer ?
Au regard des faits sus évoqués, de la multiplication de procédures inopportunes, des quolibets jetés çà et là à notre endroit, nous ne pensons pas que le PAD veuille faire profil bas, simple question d’humilité. Peut-être aussi qu’il ne se porterait pas aussi bien qu’on le laisse voir et croire, sinon pourquoi se battre à ne pas restituer ce qui ne vous appartient pas ?
Sur un tout autre plan, vous êtes le Secrétaire général de l’Alliance Plus pour l’Emergence du Cameroun (APPEC) ; à ce titre, auriez-vous une lecture purement politique de cette affaire ?
Il est temps de porter haut ceux qui suscitent l’espoir, qui donnent du rêve, du sourire, qui se battent pour de meilleures conditions de vie, pour l’épanouissement des citoyens. Avec cette sentence arbitrale, le minimum dont bénéficiera chaque membre du personnel est d’environ FCFA 3 millions.
Combien d’hommes politiques peuvent apporter autant de baume au cœur, de joie dans la famille ? Imaginer cet argent par ces temps de rentrée scolaire, le ressenti des milliers d’enfants et de parents pour cette formidable bouée de sauvetage ! un optimisateur de pouvoir d’achat !
Nous avons fait le choix d’une nation conquérante, qui doit retrouver ses heures de gloire et aller au-delà, toujours plus loin, toujours plus forte grâce à ses hommes et femmes. C’est d’ailleurs le sens de l’engagement de notre parti politique Alliance Plus pour l’Emergence du Cameroun (APPEC), dont l’action est fondée sur le triptyque :
– Affirmation de nos valeurs
– Renforcement du rôle de l’Etat
– Définition d’un modèle économique et social adapté.
« Seuls les vainqueurs écrivent l’histoire. Et le véritable vainqueur c’est toujours le peuple, représenté ici par le personnel du PAD. »
Y a-t-il une leçon à tirer de cette affaire, et particulièrement de cette victoire d’un syndicat sur le mastodonte qu’est le PAD ?
Seuls les vainqueurs écrivent l’histoire. Et le véritable vainqueur c’est toujours le peuple, représenté ici par le personnel du PAD. C’est aussi la démonstration que quand on croit, on peut ; et quand on peut, on arrive à ses fins. C’est la marche de l’histoire.
A la lumière de cette affaire SAPTC/PAD, vous apparaissez comme un homme d’une redoutable pugnacité, capable d’aller chercher les victoires les plus inattendues. Et quid du politique, alors ?
Nous l’avons évoqué brièvement. Est-ce que NGOUMOU est prêt à se jeter dans la bataille ? oui !
Si en tant que syndicat indépendant, abandonné de tous, combattu, nous avons triomphé du PAD, avec tout son argent, toute sa puissance, tous ses soutiens, imaginons ce que, avec votre soutien, le soutien du peuple, nous réaliserons de plus grand, de plus beau, de plus juste, d’extraordinaire pour les générations passées, présentes et futures !
Alors, rejoignez-nous, rejoignez l’APPEC !
Si on lançait à la cantonade : 2025 est déjà là, faites gaffe, Ngoumou arrive ! Qu’en diriez-vous ?
Life doesn’t wait ! le sublime est dans le petit !
Entretien réalisé par Ben Paguy